Joël Desmarais - La ballade de Gilles Ouellet

Laissez-moi vous conter mon histoire
Chu un fermier dans l'bout de Saint-Grégoire
Pour moi, ma femme pis nos trois filles
La vie est belle, le soleil brille
La business marche comme sur des roulettes
Tout le monde aime le lait des vaches à Ouellette
Ça fait 40 ans que j'fais mon métier
Et rien au monde ne m’empêchera de travailler

Je suis fеrmier de père еn fils
Pour arriver où je suis j'ai pris des risques
J'essaie de transmettre à mes enfants
L'importance des valeurs d'antan
Tous les jours je prie le bon dieu
De me faire couler des jours heureux
J'ai une confiance de béton en l'avenir
La mort je la vois certainement pas venir

Ce mâtin j'me suis levé de bonheur
Comme d'habitude aux environs de 5h
Une autre grosse journée de travail
C'est mon quotidien d'entretenir le bétail
Mes filles sont partit pour l'école
Y veulent rien savoir du monde agricole
Ma femme m'a rejoint dans l'étable
Pour m'aider elle est toujours fiable
En début d'après-midi
Ma femme a pris la petite Audi
Elle partit faire des commissions
En partant elle m'a donné un bec su'l front
Moi je nettoyais la grosse machine
Je manquais peut-être un peu de caféine
Mon bras s'est pris dans l'tordeur
Chu resté pogné un quart d'heure

Ma femme est revenue du marché
Elle a trouvé l'étable ensanglantée
Mon bras était en lambeaux de chair
Ma femme implorait le Saint-Pierre
Moi j'avais déjà appelé l'ambulance
J'étais comme dans une sorte de transe
J'avais même pris le temps de mettre une chemise propre
Quand les médics ont cogné à porte

Les médecins m'ont gelé ben dure
Y voyait pas l'ampleur de mes blessures
Y'ont essayé de me bullshiter
Me faire à croire qui voulait pas m'amputer
Quand la gangrène a pogné d'dans
Ça me faisait mal jusque dans les dents
Entre me couper le pouce ou la main
Moi je pensais juste au lendemain
Ma famille est venue me visiter
Après ça sont retournés travailler
Y savent très bien qu'on peut pas se permettre
D'arrêter la ferme Ouellette
Je me suis retrouvé tout seul dans ma chambre
Je fixais la fenêtre d'un regard étrange
Je l'ai arraché avec mon restant de bras
Les yeux fermés j'ai sauté drette en bas

Le soleil se couche sur la ferme
Ma femme a le regard terne
La banque a saisit les vaches
La pauvre, sans moi elle en arrache
Ma fille Mélanie est déterminée
À un jour la faire remarcher
C'est comme ça que se termine l'histoire
De Gilles Ouellette de Saint-Grégoire